samedi 7 septembre 2013
Le «Purgatoire» ethnico-tribal ou le «Barzakh» social.
i)Se bercer d’illusions pour les perdre ensuite!
Tout comme beaucoup de mes petits camarades , j’ai appris sur le tard
que je serais descendant en lignée maternelle d’une grande tribu
guerrière Béni Hassan de l’est , plus précisément du Hodh el Gharbi
,les Oulad Nasser.
A aucun moment , de mon enfance ou de mon adolescence que j’ai passées
, en partie au Sénégal mais surtout à Nouakchott dans la 2ème moitié
des années 60 , je ne me suis douté de mon extraction «martiale arabe»
ou de mes origines négro-mauritaniennes Pulâr.Le marmot que j’étais ne
s’embarrassait guère de ces fioritures ethnico-tribales auxquelles il
ne comprenait pas grand chose , pas plus que l’adulte que je suis
devenu d’ailleurs ;un homme n'est jamais qu'un homme! «Je panse mes
bobos et bleus chopés en jouant , donc je suis !»(je pense donc je
suis .(cogito ergo sun!) telle semblait être la seule rationalité
cartésienne régissant nos cogitations plutôt candides et enfantines.Et
pour cause , enfants nous l’étions et pouvions encore nous offrir le
luxe de l’être vraiment en ces temps cléments là.Ce ne fut qu’après le
collège , au lycée que j’ai commencé à me poser des questions sur ma
double appartenance ethnico-tribale et pris conscience de
l’originalité de ma filiation ainsi que des « avantages naturels »
qu’elle devrait me conférer en toute logique.Je ne savais pas encore
et ne pouvait surtout pas savoir qu’elle allait tourner à mon
désavantage , contre toute logique justement et curieusement du reste
.
Au sortir du cycle A long de l’ENA , quoique nanti d’un diplôme
professionnel sésame , je n’aurai pu cependant réaliser mes légitimes
et fondées ambitions dans l’administration publique , au MAEC
notamment.Faisant contre mauvaise fortune bon coeur , je dus donc me
résoudre à reprendre le chemin des études universitaires et
professionnelles à Paris en 1988 et ce pour accomplir de la façon la
moins astreignante possible la traversée du désert séparant l’ENA du
MAEC.Soit ,sans persiflage aucun , l’imprimerie nationale de Chaâb et
les dunes sablonneuses des ilots "C" , pas moins que cela .
ii)Le «no man’s land» ethnico-tribal
Et à ce point du récit , je m’en vais vous rapporter certaines
déconvenues et mauvaises surprises qui ne seraient certainement pas
arrivées à mon côté « personnage Béni Hassan » voire aussi à mon côté
ou personnage négro-mauritanien , pour des raisons différentes bien
évidemment !Les deux faces cachées de Janus en un seul homme .
Mais avant d’entamer la narration et pour être en conformité avec la
typologie ethnico-tribale de mise en l’espèce , je me définirai comme
un négro-arabe , un Hassano-Pular ou l’inverse , c’est kif kif .En
1989 donc , à Paris où je poursuivais certaines études
professionnelles et universitaires a la Sorbonne , j’appris en mai que
j’étais suspendu de ma qualité de fonctionnaire voire menacé de
radiation des effectifs et ce malgré une mise en position de stage en
règle .Faites donc le rapprochement (sic)!Quelques mois après , de
retour au pays , je fis lever la suspension en un jour et j’eus droit
à des excuses aussi.Motif invoque par l,administration :de par mon
faciès , je n’étais manifestement pas le prototype classique du
négro-mauritanien , en revanche mon nom lui l’était soit Khalil Balla
Gueye !J’aurais été donc suspendu tout simplement en raison de mon nom
de famille.Sans plus , délirant !
Une autre anecdote absurde et toujours dans le même régistre!
Fraîchement imbu de la lecture de l’ouvrage de Philippe Marchesin
«Tribus , ethnies et pouvoir en Mauritanie» et succombant
immanquablement aussi au mimétisme ambiant , j’ai été une fois ,une
seule fois amené à utiliser le jeu de cooptation ethnico-tribale pour
« faciliter » une promotion que je méritais du reste.Un peu comme tout
le monde le pratiquait et pratique toujours :arabes et
négro-mauritaniens confondus.Il n’y avait tout simplement pas moyen de
faire autrement dans le système Tayiste où le clientélisme
ethnico-tribal était érigé en mode de gouvernement.
Pour mes oncles maternels , les Béni Hassan , je n’étais pas
suffisamment «arabe» malgré mon Hassania à faire pâlir d’envie Deyloul
le Deimani et de toutes façons d’autres cadres Sémites ,Quraichites ou
Béni Maakel de pure lignée seraient prioritaires parmi les quotas non
dits attribués par le système à la tribu .L’accueil décevant ,
rafraîchissant voire glacial que m’ont réservé mes oncles maternels
qui m’ont pourtant élevé pour grande partie , aura donc fini de me
dissuader d’aller voir de l’autre coté , chez mes cousins
négro-mauritaniens , dont la société reproduit strictement les même
schémas ,travers tribaux et de caste .
iii)Le «Purgatoire» ethnico-tribal d’exclusion:«nobles» et «roturiers».
En somme , arabe je ne le serais « pas encore » , et noir , bien que
de couleur plutôt foncée je ne le suis « pas encore tout à fait » .Que
faire?Et pourtant , referez vous à ma photo ci , je n’ai pas changé de
pigmentation comme Michael Jackson ou les fanas du «kheysal».Je me
suis donc retrouvé dans une sorte de «no man's land identitaire» dans
mon propre pays.Et progressivement mais inexorablement aussi , j’ai
été littéralement catapulté , «driven out» du pays faute d’avoir pu
trouver un ancrage ethnico-tribal de nature à m’amarrer au système
clientéliste de Taya .Tout simplement aberrant voire burlesque à la
limite!Mais fort heureusement pour le pays : la Mauritanie ne se
réduirait pas seulement à la «nomenklatura ethnico-tribale» qui n’a
rien à voir avec le pays profond et ses aspirations légitimes à plus
de justice et d’équité.Captif malgré moi de ce système verrouillé et
cadenassé à multiples tours , je ne me voyais tout de même pas finir
ma carrière à 60 piges passées comme premier conseiller d’une obscure
, nonchalante et lointaine ambassade , fonction que j’ai occupée à
l’âge de 28 ans déjà!Enfin , pour plus d’égalité , de rationalité et
surtout de performance , notre démocratie , une fois rétablie ,
devrait disloquer ce système d’exclusion en instaurant l’égalité des
chances pour tous .Blacks and whites , «nobles» et «roturiers» !
Et le "brillant palmarès" de cet ostracisme ethnico-tribal établi en
mode de distribution anachronique, surannée et surtout inégalitaire du
pouvoir et des fonctions , est là , sous vos yeux , sans parler encore
des raisons politiques.L'exil forcé , presque un bannissement comme ce
fut mon cas.
Et à ce sujet l’actualité politique ou plutôt diplomatique de notre
pays aura été «somptueuse» cette semaine:un confrère et condisciple
Abdarahmane ould Habib diplomate de carrière précédemment 1èr
conseiller en poste à Paris vient d'être l'objet des mêmes
vicissitudes politico-tribales qui m'ont amenées , entre autres , à
entamer mon pénible et déchirant chemin de croix .Ce que je ne lui
souhaite guère , à Dieu ne plaise bien sûr !
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire